"Les romans les plus forts sont souvent les moins démonstratifs." F.Busnel
Serge Joncour propose, un très beau roman où deux personnages à la dérive, cheminent sur deux routes qui ne sont pas susceptibles de se rencontrer. Ainsi, Joncour alterne-t-il les chapitres.
Un chapitre consacré à Louise, un chapitre consacré à Franck.
Louise est une jeune veuve qui quitte tout, au lendemain du décès de son mari, pour s'exiler à Clermont Ferrand où elle ne connaît personne. Seuls contacts humains: ses collègues qui acceptent de ne rien savoir d'elle et le serveur du café où elle s'arrête quelques minutes tous les matins. Il y a bien un homme qui la poursuit de ses assiduités depuis leur aventure mais elle n'en veut plus.
Franck est un documentariste devenu inactif à la suite d'une grave maladie et que sa compagne a quitté puisque le désir avait totalement disparu.
Cet homme sans désir décide un beau jour de retourner sur le domaine qui l'a vu grandir, dans le Lot, et de renouer avec des parents auxquels il n'a pas parlé depuis 10 ans, depuis la mort de son jeune frère.
Louise sait qu'elle est sur le point de perdre un emploi déjà précaire qui lui permet juste de survivre. Elle décide alors de répondre à l'appel de ses anciens beaux parents et d'aller garder leur domaine le temps d'une Thalasso qu'ils décident de s'offrir après cinquante années de labeur.
Sans le savoir, ces deux personnages convergent vers un même lieu où les attend un petit garçon de 5 ans, Alexandre. Le neveu de l'un, le fils de l'autre, dont elle n'a pas voulu s'occuper parce qu'il n'est pas l'enfant de son mari disparu.
Aussi improbable et inouavable que cela puisse l'être pour Franck et Louise, c'est un sorte de déterminisme qui va les reconnecter à la vie. L'un et l'autre vont se retrouver fortuitement pour s'occuper du domaine et de l'enfant et comprendre que ce qu'ils ont cherché à fuire à tout prix, est ce dont ils ont besoin pour se relever, pour envisager l'avenir.
La narration simple et efficace de Joncour, peu emprunte de digressions psychologiques, amène le lecteur à reconsidérer la nature et les modalités de sa relation à l'autre, aux êtres aimés mais aussi à ceux qu'on n'a pas réussi à aimer. La relation à la terre est aussi une invitation à réfléchir au besoin de s'enraciner, de construire, de faire pousser...
Reste l'invitation au mystère qu'est le titre, c'est Joncour qui en parle le mieux: " [...] une femme avec laquelle il ne serait plus question de désir mais de tout le reste, un genre d'amour intact, l'amour sans le faire mais tout entier [...] "
Isabelle-Sabine