"Bienvenue, Mesdemoiselles japonaises!"
"Sur le bateau nous étions presque toutes vierges. Nous avions de longs cheveux noirs, de larges pieds plats et nous n'étions pas très grandes. Certaines d'entre nous n'avaient mangé toute leur vie durant que du gruau de riz et leurs jambes étaient arquées, et certaines n'avaient que quatorze ans et c'étaient encore des petites filles."
L'originalité de ce roman réside dans ce parti-pris stylistique d'une narration non linéaire utilisant le "nous" comme personnage principal. Nous avons toutes été séduites par le style de Julie Otsuka :
" Par un matin calme et dépourvu de vent où la mer était plate comme du verre et le ciel d'un bleu comme du verre et le ciel d'un bleu éclatant, les flancs lisses et noirs d'une baleine ont crevé la surface avant de s'y enfoncer à nouveau et, l'espace d'un instant, nous avons oublié de respirer; C'était comme regarder dans l'oeil du Bouddha."
Ce beau livre raconte le destin méconnu de femmes japonaises exilées aux États Unis dans l'entre deux-guerres pour y épouser un japonais qu'elles n'ont jamais rencontré.
Une chorale féminine est la grande force de ce roman témoignage. Pour certaines, elle est devenue litanie et a un peu lassé : si l'on n'entre pas dans ce destin collectif, il est difficile de repérer des personnages auxquels s'identifier et pour lesquels éprouver de l'empathie. Pour d'autres, elle a porté leur lecture et elles se sont senties investies de toutes ces vies.
Remarquablement écrit, "Certaines n'avaient jamais vu la mer" révèle un pan de l'histoire américaine inconnu et le sort réservé à la communauté japonaise au moment de Pearl Harbour et de l'entrée dans la guerre contre le Japon.
La densité du livre en fait sa puissance poétique et politique. D'une intensité dramatique qui ne faiblit jamais, la fin inoubliable participe au devoir de mémoire.
Les Nénettes